« Fait divers mélodramatique, avec une galerie de personnages névrosés, La femme au gardénia a pour thème centrale l’aliénation des classes moyennes. Ce film est significatif, avec la photographie de Nicholas Musuraca, de la mutation du cycle noir au cours des années 50 : les images, à dominante de gris, neutres et plates et des éclairages par le haut, sont tout à fait représentatives de l’influence de la télévision de l’époque. Dans La femme au gardénia la griffe des studios se fait beaucoup moins sentir, formellement, que dans les années précédentes puisque Musuraca, qui a contribué à définir le style noir de la RKO, ne se permet que quelques moments expressionnistes : de temps en temps, une fenêtre striée par la pluie ou le meurtre de Prebble qui se reflète dans un miroir brisé. En revanche, Lang exploite ici, à son avantage, certains progrès techniques de l’industrie cinématographique. Le tournage en extérieur inscrit le film dans une tradition plus réaliste qu’expressionniste ; Lang utilise la mobilité des petites dollies portatives pour suivre ses personnages avec une insistance nerveuse qui préfigure le retour des caméras tenues à la main. Les mouvements circulaires enserrant l’infortunée Norah deviennent les vecteurs d’un implacable déterminisme, caractéristique de la vision noire de Lang. » (Encyclopédie du film noir - Rivages)