En vie depuis plus de 600 ans, un homme immortel nous fait partager des événements qui se sont déroulés au cours de quatre périodes de l'Histoire du Brésil : Des guerres tribales pré-coloniales en passant par les révoltes paysannes du XIXe siècle et le mouvement de résistance à la dictature militaire dans les années 1960, jusqu'au futur dystopique de 2096. Renaissant à chaque époque, notre héros lutte sans cesse aux côtés des plus faibles tout en recherchant son amour perdu.
”Rio 2096 : Une Histoire d’Amour et de Furie ” a été écrit et réalisé par Luiz Bolognesi. Depuis la création du Festival d’Annecy en 1960, il est le premier film d’animation brésilien à être sélectionné en Compétition officielle. Il a été couronné par le Cristal du long métrage. Destiné au public jeune et adulte, le film raconte l’histoire d’amour entre Janaína et un indien guerrier. Celui-ci prendra, en mourant, la forme d’un oiseau. Durant six siècles, l’histoire du couple traverse quatre périodes de l’histoire du Brésil : la colonisation, l’esclavage, le régime militaire et le futur, en 2096, alors que sévit une guerre pour l’eau. Durant toutes ces périodes, nos héros combattent l’oppression. Le film peut être considéré comme la biographie non officielle de Rio de Janeiro.
Réalisé sur une période de six ans, ”Rio 2096, Une Histoire d’Amour et de Furie ” est le résultat d’une longue recherche en collaboration avec des spécialistes en histoire et en anthropologie permettant de définir les points d’intérêt de l’histoire à aborder. ” Je suis très attiré par l’histoire du Brésil et par la Bande Dessinée. Comme je possède une formation de scénariste, je suis conscient des innombrables possibilités de narration offertes par l’animation. D’autre part, notre cinéma s’adonne rarement à raconter les aspects de notre histoire d’une façon intéressante, qui porte à réfléchir par un biais divertissant ” met en avant Luiz Bolognesi. Le long métrage a été réalisé avec des techniques d’animation classiques : les personnages sont dessinés et animés avec du crayon sur papier, à partir de performances d’acteurs réelles. Selton Mello, Camila Pitanga et Rodrigo Santoro ont incarné le texte en studio et, postérieurement, l’équipe du long métrage a utilisé l’enregistrement de leur jeu d’acteurs comme référence pour son travail. Cette technique permet d’obtenir des résultats subtils et expressifs mettant en valeur le potentiel du casting et des animateurs. ” Je ne pouvais pas me tromper dans le choix du casting. J’avais besoin de grands interprètes. Il est difficile d’extraire de l’émotion, de la densité et des nuances d’interprétation sans comédiens professionnels pour le moins géniaux ” affirme le réalisateur.
La difficile mission de créer une bande originale d’un long métrage qui traite de différentes époques de l’histoire brésilienne - le futur y compris- est restée à la charge du collectif ”Institut ”, créé en 2001 par Rica Amabis, Tejo Damasceno et Daniel Ganja Man.
Les thèmes composant ”Rio 2096, Une Histoire d’Amour et de Furie ” mélangent rythmes régionaux et éléments électroniques à partir de sons de différents instruments recherchés et transformés à l’infini en studio. ”Nous avons utilisé les instruments d’une manière différente ; l’histoire d’un personnage traversant des générations n’étant pas réelle, nous n’avions pas besoin de nous tenir aux sonorités authentiques dans la composition de la Bande Originale. Nous avons essayé de manipuler au maximum les instruments utilisés, même ceux d’époque, afin de provoquer une sonorité différente ”, met en avant Rica Amabis.
Étoiles montantes de la musique brésilienne, Naçao Zumbi, Otto Cidadao instigado et Rappin’ Hood, les membres de ”l’Institut” on du laisser planer librement leur imagination pour composer une bande sonore qui embrasse presque 600 ans d’histoire, mélangeant réalité et fiction. « Le plus grand défi se situait justement au début et à la fin. Qu’est-ce qui sera joué dans le futur ? Nous ne le savons pas. La musique de 2060, 2090 est un immense point d’interrogation» observe Damasceno.
Diplômé de journalisme à la Pontifícia Universidade Católica (PUC –SP) et en Sciences Sociales à l'Université de São Paulo (USP), le scénariste Luiz Bolognesi est l'un des fondateurs associés de Buriti Filmes. Parmi ses scénarios l'on distingue les films "Chega de Saudade ", "Bicho de Sete Cabeças " et "As Melhores Coisas do Mundo ". En 2012, il achève le film d'animation "Rio 2096, Une Histoire d 'Amour et de Furie " en signant le scénario et la réalisation. Il assure aussi la coordination de projets socioculturels de l'Association Tela Brasil ः Cine Tela Brasil et Oficina Tela Brasil.
Comment est né le scénario de ”Rio 2096, Une Histoire d’Amour et de Furie ” ?
Le scénario est le point de rencontre de deux choses que j’apprécie beaucoup : l’histoire du Brésil et la Bande Dessinée. En tant que scénariste, je sais que l’animation offre des possibilités illimitées de narration. Si je fais un film en tournage direct, je ne peux décrire un Rio de Janeiro d’ici à 60 ans avec un aéronef spacial volant au dessus de la ville. Dans le dessin animé, ceci ne pose pas de problème. C’est la raison principale qui m’a conduit à préférer un scénario d’animation.
Combien de temps a pris la réalisation du film ?
Cela a pris longtemps. Tout à débuté avec une grande recherche que j’ai menée aux côtés de grands chercheurs d’histoire et d’anthropologie. À partir de là, j’ai choisi les quatre moments de notre histoire que je voulais traiter : l’arrivée des européens vue par les indiens, la révolution de nos noirs, la résistance au régime militaire et une projection vers le futur. J’ai initié ma recherche en 2012 et la première ébauche du scénario était prête en 2010. La production du film a duré six ans, ce qui la distingue radicalement des films en tournage direct.
C’est votre premier long métrage en tant que réalisateur. Pourquoi avoir choisi un film d’animation pour vos débuts ? Comment s’est passée cette expérience ?
J’étais très attiré par l’idée d’écrire une histoire qui voyage dans le temps et dont la production soit à la hauteur du défi. Dans l’animation, peut importe si tu écris une histoire ayant eu lieu dans un appartement ou un film qui traverse six siècles. Dans un tournage en direct, filmer dans un appartement est très économique mais insérer un aéronef spatial qui vole sur Rio n’est pas faisable économiquement. L’animation me permet de transformer cette barrière de l’impossible en quelque chose d’absolument plausible. Réaliser ce dessin animé a été une expérience très agréable pour les motifs suivants : dans le tournage en direct, le directeur doit résoudre à l’instant toutes sortes de problèmes qui surgissent et ceci m’angoisse beaucoup ; dans le dessin animé, quand une scène n’est pas réussie, j’ai trois semaines pour y parer. Le film a pris des années à être achevé mais ceci s’allie bien avec ma personnalité qui va plutôt dans le sens de faire des choses au calme, je ne me sens pas à l’aise dans les situations de crise nécessitant une solution dans les vingt minutes. D’autre part, ceci présuppose le défi de maintenir longtemps une équipe unie. Le fait que ce soit un film d’animation national destiné aux jeunes était, dès le départ, une proposition très attirante, ce qui m’a permis de maintenir les professionnels attachés au projet, personne n’a quitté le chemin en cours de route. J’ai eu la chance d’avoir pu réunir une équipe engagée et j’ai eu un échange très fructueux avec un groupe beaucoup plus jeune que moi.
Comme le protagoniste est immortel, à chaque fois qu’il est atteint, il se transforme en oiseau. S’agit-t’il là d’une légende qui existe dans la tribu des Tupinambás?
C’est une histoire inventée mais adaptée à partir d’un ensemble de légendes des indiens Tupi-Guarani dont les Tupinambás. Ma recherche s’est basée sur beaucoup de légendes mythologiques et l’histoire du film s’en inspire largement. Des indiens qui se transforment en oiseaux ou en autres animaux sont une constante dans la mythologie indienne. Par ailleurs, ils croient que quand nous dormons notre esprit part à travers la forêt et passe la nuit dans le corps d’un animal. Ils y croient fermement aujourd’hui encore, comme si c’était une vérité absolue et non un mythe. Je me suis inspiré de ces histoires, mais je les ai transformées, le résultat est un mélange de tout.
Angangá aussi est une légende réelle ?
Il est le grand antagoniste de notre personnage principal. Il existe plusieurs légendes sur cet être de la forêt qui est une sorte de Dieu indien, le seigneur des morts. On dit qu’il vit dans un lac avec des grenouilles et des serpents et qu’il sort la nuit à la recherche de personnes dont l’âme est faible, pour les mener vers la mort. L’Angangà est si présent dans notre histoire qu’à Rio de Janeiro, il existe la Pedra de Anhanguera et une université du même nom. Cette figure mythique est si forte qu’elle est restée présente jusqu’à nos jours dans notre quotidien. Comment avez-vous choisi Selton Mello, Camila Pitanga et Rodrigo Santoro pour doubler les personnages ? Les acteurs ont tous enregistré en deux jours, tout seuls, dans un studio de son. C’est un processus très différent du film de tournage en direct où ils ont l’appui du scénario, des costumes et d’un autre acteur en tant que partenaire. Je ne pouvais me tromper dans le choix de casting, j’avais besoin de grands acteurs. Il est difficile d’exprimer l’émotion, la densité et les nuances d’interprétation à des acteurs professionnels qui ne soient pas géniaux. J’ai été exigeant, ma récompense c’est qu’ils ont accepté.
Comment définissez-vous le protagoniste ?
C’est un personnage épique et mythique dans le cinéma brésilien. Nous racontons l’histoire du Brésil à partir de la mythologie Tupinambá et, en même temps, nous humanisons le protagoniste avec des valeurs contemporaines pour créer une empathie chez le spectateur. Son immortalité, il ne l’a pas choisie, c’est presque une punition. Il en vient même à vouloir s’en débarrasser tellement son poids est lourd à porter. Un destin glorieux a été imposé à notre héros sans qu’il y ait été préparé. Il s’agit d’un homme très loyal et passionné qui est toujours en train de lutter pour des valeurs simples comme trouver le bonheur auprès de la femme qu’il désire. Mais il est constamment traversé par quelque chose de violent de l’histoire du Brésil qui exige qu’il retourne au point de départ. C’est un personnage qui est destiné à lutter éternellement, sans être sûr de vaincre.
Et Janaína ?
Janaína est une synthèse de la femme brésilienne. Synthèse d’une féminité qui a été rarement traitée au Brésil dans sa condition héroïque. Différemment du personnage interprété par Selton, Janaína n’a pas conscience de son immortalité. Elle n’a pas cette dimension épique, quand elle meurt elle cesse vraiment d’exister sans toutefois cesser d’être une combattante. Janaína agit comme une authentique femme brésilienne, elle pousse le héros à continuer sa bataille même quand il y renonce.
Comment considérez-vous cette histoire d’amour ?
C’est un amour romantique, très fort. Ils sont toujours tournés l’un vers l’autre. Et en même temps c’est une relation qui se vit dans les limites imposées par le quotidien, par les difficultés du jour et par conséquent une relation réaliste. C’est surtout un grand pari sur l’amour, dans une période où les gens ont tendance à ne vivre que des aventures. C’est une preuve de plus de ce qu’il peut y avoir de l’aventure et de l’amour dans une même relation.
Le film retrace plusieurs étapes de l’histoire du Brésil. Pourquoi aborder ce thème ?
L’histoire du Brésil vous intéresse ? J’ai toujours beaucoup apprécié l’histoire du Brésil. Notre cinéma ne s’efforce pas suffisamment à traiter, de façon intéressante avec une approche mêlant divertissement et réflexion des aspects de notre histoire, comme le font très bien les américains et les français dans leur cinéma. Je voulais parler du Brésil, d’une façon qui puisse conquérir les jeunes. L’histoire de ce pays est pleine d ’amour et de furie.
La vision du futur dans le film est d’une certaine façon pessimiste. Croyez-vous vraiment que ça se passera ainsi ?
Je pense que la vision du futur que le film nous présente est un pronostic réaliste et effrayant. La question de l’eau est déjà débattue aujourd’hui, les opinions vont dans le sens de prévoir que la crise des 50 années à venir sera liée au manque d’eau potable. C’est un pronostic qui s’étaye sur les grands débats de l’actualité. Ce que nous projetons pour le futur est la réalité que nous observons aujourd’hui au Brésil, un pays abyssal où une élite a un accès à une vie luxueuse et confortable et une grande masse n’a le droit à presque rien. Si l’on n’agit pas maintenant, le scénario sera celui décrit dans le film. Nous avons créé un Rio de Janeiro vertical où les gratte-ciels sont liés par des trains. Il y a encore une ville ancienne qui est restée abandonnée, là, en bas, au milieu de l’eau pourrie par les déchets industriels. Un autre aspect absolument terrifiant qui est montré dans le film c’est qu’en 2096, l’Amazonie devient un désert et notre Président de la République, un pasteur évangélique. Rio devient la ville la plus sûre du monde parce qu’elle est contrôlée par des milices privées très violentes, les conflits sont résolus à travers une structure militaire très malveillante.
Quel est le public cible du film ?
Le public cible ce sont les jeunes et les adultes. Ça commence à partir de la tranche d’âge des 12 ans jusqu’aux adultes de 88 ans qui s’intéressent à l’histoire du Brésil et qui apprécient une histoire bien racontée. Les amateurs de BD et de Dessin Animé seront aussi naturellement attirés par ce film. Ce n’est pas destiné aux enfants mais plutôt aux adolescents à partir de 12 ans.
Il s’agit du premier film d’animation en compétition au Festival de Rio. Pensiez-vous être sélectionné ? Trouvez-vous que ceci peut apporter plus de visibilité au film ?
Je désirais énormément être sélectionné mais je savais que ce serait très difficile car il n’existe pas une tradition ouvrant le chemin des Sélections Compétitives aux Films d’Animations. D’ailleurs, ”Rio 2096, Une Histoire d’Amour et de Furie ” est peut-être le premier film d’animation à participer à un Festival au Brésil. C’est un fait inédit, nous sommes très heureux d’avoir pu participer au Festival de Rio. Nous sommes conscients d’avoir accompli une première. Ceci met pour la première fois un film d’animation au même niveau qu’un film d’art. Ça ouvre les portes à l’animation brésilienne.
Les acteurs
SELTON MELLO | Le guerrier immortel |
CAMILA PITANGA | Janaína |
RODRIGO SANTORO | Pietã / Junior |
Production | BURITI Filmes ET GULLANE PRODUCTION |
En co-production avec | EUROPA FILMES, LIGHSTAR STUDIOS, TELEIMAGE, MONDO CANE FILMES ,ESTUDIO LUNO et HBO |
Bande originale | RICA AMABIS, TEJO DAMASCENO, PUPILLO |
Son et mixage | ALESSANDRO LAROCA, EDUARDO VIRMOND LIMA, ARMANDO TORRES JR. |
Co-réalisation | (parties 1, 2 et 3) JEAN DE MOURA, MARCELO DE MOURA |
Directeur de l'animation | (partie 4) BRUNO MONTEIRO |
Direction musicale | PAULO CRUMBIM |
Directrice compositing | CRISTINA EIKO |
Superviseur de production | DANIEL GRECO |
Directeur de production | HELENA MAURA |
Co-producteurs éxécutifs | MARCOS BARRETO, RENETA CALVÃO |
Producteurs éxécutifs | CAIO GULLANE, FABIANO GULLANE, SÔNIA HAMBURGER |
Producteurs associés | SELTON MELLO, PATRICK SARIETTA |
Producteurs | CAIO GULLANE, FABIANO GULLANE, DEBORA IVANOV, GABRIEL LACERDA, MARCOS BARRETTO, LAIS BODANZKY, LUIZ BOLOGNESI |
Ventes internationales | BURDIGALA PRODUCTION |
Écrit et réalisé par | LUIZ BOLOGNESI |
Distribution | Films Sans Frontières |