LE CONFLIT YOUGOSLAVE
C’est le 28 juin 1989, lors d’un discours à Kosovo Polje que Slobodan Milosevic développe les lignes de l'ultranationalisme serbe. Réunie en congrès à Belgrade, le 20 janvier 1990, la Ligue communiste yougoslave éclate après quarante cinq années de pouvoir exclusif permettant les premières élections parlementaires libres et l'élection au pouvoir en Croatie et en Slovénie des partis d'opposition.
Milosevic est élu le 6 décembre 1990 par l'Assemblée à la présidence de la Serbie, élection qui sera confirmée au suffrage universel le 9 décembre 1990. Mais les tensions apparaissent de plus en plus entre les pays constituant la Yougoslavie. Le 22 février 1991, les 6 présidents des républiques yougoslaves se réunissent à Sarajevo et n’empêchent pas la fracture entre la république de Serbie d’une part, dirigée par Slobodan Milosevic et d’autre part la Slovénie et la Croatie, désireuses de proclamer leur indépendance.
Le 2 mars 1991, des chars sont déployés à Pakrac, en Croatie, après de violents incidents entre policiers serbes et la population croate. Le 16 mars, Slobodan Milosevic brandit la menace d’une guerre civile face à ces manifestations et demande à l’armée d’intervenir. A peine un mois plus tard, l’armée fédérale déploie des troupes en Croatie et cela entraîne des grèves générales en Serbie. La crise entre la Serbie et la Croatie s’accentue en mai et le 25 juin 1991, la Croatie et la Slovénie proclament leur indépendance, ce qui entraîne des effusions de sang en Croatie. Le 15 septembre 1991, c’est au tour de la Macédoine de déclarer son indépendance.
La guerre débute en Croatie. Le 20 septembre, l’armée fédérale y entame une vaste offensive afin d’encercler les villes de Vukovar, Osijek et Vinkovci. Les attaques aériennes se multiplient sur ces villes. Le 7 octobre, pour la première fois, l’armée fédérale bombarde Zagreb, puis c’est au tour de la belle cité de Dubrovnik de subir des attaques importantes et d’être assiégé. Le 18 novembre 1991, Vukovar, ville symbole de la résistance croate tombe, après trois mois de siège serbe. La ville n’est plus qu’un champ de ruine. Ce n’est que le 21 février 1992 que l'ONU prend part au conflit en créant une force de 14 000 Casques bleus, baptisée Force de protection des Nations Unies (Forpronu).
La Bosnie-Herzégovine (véritable enchevêtrement de communautés de l'ex-Yougoslavie) qui se proclame indépendante en avril 92, s'embrase aussitôt de par la volonté des Bosno-Serbes de Karadzic et Mladic de constituer, avec l'appui de l'armée "fédérale" de Belgrade, une République serbe autonome jouxtant la Serbie. Le 5 avril 1992 débute le siège de Sarajevo par les serbes bosniaques. La ville vit inlassablement sous les bombardements et sous les tirs des « snipers ». En mai 1992, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte les Résolutions 752 et 757 qui exigent l'arrêt des combats en Bosnie-Herzégovine, le retrait des troupes ex-yougoslaves et croates de cette République, et décrète un embargo, commercial, pétrolier et aérien à l'encontre de la Serbie et du Monténégro.
Pratiquant la conquête de territoires, le nettoyage et la purification ethnique en Bosnie mais aussi en Croatie, les Serbes et les Bosno-Serbes restent sourds aux condamnations verbales de la communauté internationale et ce, malgré le déploiement des Casques bleus européens en Croatie dans les régions peuplées de Serbes.
Le 7 avril, les Nations Unis acceptent la Macédoine sous le nom de « ex-république yougoslave de Macédoine » au grand désespoir de la Grèce qui craint des revendications de la part de ses minorités macédoniennes. La Grèce, ne souhaitant pas cette indépendance, parvient à bloquer leur processus d’émancipation jusqu’en décembre 1992.
Face à l’expansionnisme serbe, l’ONU installe six « zones de sécurité » autour des poches musulmanes de Bosnie : Bihac, Tuzla, Gorazde, Sarajevo, Srebrenica et Zepa, tandis que des observateurs sont placés le long de la frontière entre la Serbie et la Bosnie. En juillet, 156 casques bleus américains arrivent en Macédoine. Ils y rejoignent les quelques 700 casques bleus suédois déjà sur place, pour prévenir toute extension du conflit avec surveillance des frontières avec le Kosovo, la Serbie et l’Albanie. La capitale bosniaque est privée d’électricité et d’eau.
En 1994, Milosevic élabore un plan avec le président croate Tudjman qui consiste à diviser la Bosnie en trois entités autonomes (serbe, croate et musulmane), mais le partage du territoire est en fait très inégalement reparti car la majorité de celui-ci est donné aux Serbes au détriment des musulmans. Présenté à l’ONU, le plan n’est pas accepté et les combats continuent pendant toute l’année. Les Serbes se montrent très agressifs, mais les Croates prendront le devant et appliqueront, eux aussi, l'épuration ethnique. En juillet 1995 les Serbes provoquent de nouvelles offensives contre les "zones de sécurité": Srebrenica tombe le 10 juillet et Zepa le 25.
Les accords de Dayton prévoyant un partage équitable de la Bosnie sont signés le 21 novembre 1995. Malgré tout, les tirs continuent dans la capitale bosniaque où les quartiers de la ville sont progressivement attribués aux ethnies. Début février 1996, des charniers sont mis à jour à Srebrenica. A Mostar, les Croates continuent de chasser les habitants musulmans et serbes des zones qu’ils contrôlent. Finalement, 90 jours après les accords de Dayton, la partition territoriale en deux entités devient une réalité. Une ligne de démarcation démilitarisée de 1030 Km de long sur 4 Km de profondeur sépare la République serbe de Bosnie (RS) et la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
Après quatre ans de siège, Sarajevo redevient une ville unie le 19 mars 1996. Six mois plus tard se déroulent en Bosnie les premières élections législatives et présidentielles. Le 3 octobre, le nouveau président bosniaque Alija Izetbegovic rencontre à Paris son homologue serbe, Slobodan Milosevic. Les deux hommes décident d’établir des relations diplomatiques entre la Bosnie et la République Fédérale de Serbie qui englobe à présent la Serbie et le Monténégro.
Les guerres en Slovénie et en Croatie furent menées au départ afin de conserver l’unité yougoslave, mais elles prirent rapidement un caractère nationaliste. Les visions des nationalistes serbes s’opposèrent à celles du nationalisme croate, personnifiées par le président Slobodan Milosevic en Serbie et le président Franjo Tudjman en Croatie. L’intervention de la population et de l’armée en Bosnie-Herzégovine transforma le conflit en une guerre tripartite sanglante.
On a intitulé ces événements : ‘’Guerre dans les Balkans’’, ‘’Guerre d’ex-Yougoslavie’’, ou plus rarement de ‘’Troisième guerre balkanique’’. Ces conflits furent les plus meurtriers en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Selon le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, la guerre en Bosnie a causé la mort de 102 622 personnes, dont 55 261 civils, se répartissant ainsi : Bosniaques et Croates : 72 000 (dont 38 000 civils et 6 000 soldats croates) et Serbes de Bosnie : 30 700 (dont 16 700 civils).
Ce fut aussi le premier conflit à caractère génocidaire en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup des principaux personnages clé impliqués furent ou sont encore poursuivis pour crimes de guerre