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En 1838, Thomas Hutter, commis d'agent immobilier, quitte sa jeune femme Ellen pour le château du comte Orlok dans les Carpates. Là-bas, Hutter découvre que le comte est en fait Nosferatu le vampire et est victime des morsures répétées du monstre. Celui-ci quitte son château dans un cercueil rempli de terre et, après un voyage en voilier au cours duquel il décime l'équipage terrorisé, va prendre livraison de sa nouvelle demeure, située face à celle de Hutter et Ellen…
Ce chef-d'œuvre du cinéma muet d'épouvante est la première adaptation fidèle du célèbre roman de Bram Stocker, DRACULA, publié en 1897. La rumeur prétend néanmoins qu'une version hongroise du roman DRACULA fut tournée en 1921 par Karoly Lajthay.
En portant le DRACULA de Stocker à l'écran, Murnau ne s'est pas vraiment encombré de questions morales. Lorsque la production du film commença en 1921, Dracula n'était pas libre de droits. Contrairement à d'autres réalisateurs qui acquirent les droits d'adaptation cinématographiques auprès de la veuve de Stocker, Murnau commença tout simplement son film sans se soucier des lois régissant les droits d'auteur, qui certes étaient plutôt vagues à l'époque. Le livre fut adapté à l'écran par Henrik Galeen. Galeen avait coécrit avec Paul Wegener la première version de DER GOLEM (1914), et le scénario de WAXWORKS (1924) de Paul Leni. Galeen est resté relativement fidèle au roman et Murnau prit diverses précautions en préparant sa version illicite. Afin d'éviter de payer des royalties aux ayants droit de DRACULA, (la veuve de Stocker), Murnau intitula le scénario NOSFERATU. Il changea également les noms des personnages et le décor. L'Allemagne remplaça la Transylvanie et Brême se substitua à Londres. Le comte Dracula devint le comte Orlock ; Jonathan Harker devint Waldemar Hutter, le professeur Van Helsing, le professeur Bulwer, et Renfield fut changé en Knock. Malgré les changements de noms et de lieux géographiques, le sujet est pratiquement identique à celui du roman et, en fin de compte, le scénario de Henrik Galeen est plus fidèle au roman de Stocker que les versions de Universal et Hammer qui ont suivi.
Quelle singulière époque en Allemagne que ces années qui suivent la première guerre mondiale : l'esprit germanique se remet malaisément de l'écroulement du rêve impérialiste, les plus intransigeants tentent de se ressaisir dans un mouvement de révolte, mais celui-ci est immédiatement étouffé. Cette atmosphère trouble atteint son paroxysme lors de l'inflation qui provoque l'effondrement de toutes les valeurs ; et l'inquiétude innée des Allemands prend des proportions gigantesques.
Mysticisme et magie, forces obscures auxquelles de tout temps les Allemands se sont abandonnés avec complaisance, avaient fleuri devant la mort sur les champs de bataille. Les hécatombes de jeunes gens précocement fauchés semblaient nourrir la nostalgie farouche des survivants. Et les fantômes, qui avaient déjà hanté le romantisme allemand, se ravivaient tels les ombres de l'Hadès quand elles ont bu du sang.
Ainsi se trouve provoquée l'éternelle attirance vers ce qui est obscur et indéterminé, vers cette réflexion spéculative et ruminante appelé «Grübelei» qui aboutit à la doctrine apocalyptique de l'expressionnisme.
La misère, le souci constant du lendemain ont contribué à jeter les artistes allemands à corps perdu dans ce mouvement qui avait tendu, dès 1910, à faire table rase des principes qui étaient jusqu'alors à la base de l'art.
Pour analyser le phénomène de l'expressionnisme dans toute sa complexité, dans toute son ambiguïté, il convient, quelque paradoxal que cela puisse paraître, plutôt que de l'étudier dans le domaine plastique ou graphique, de suivre la trace de ce mouvement dans les déclarations littéraires de l'époque.
Ecoutons, par exemple, le dithyrambe entonné en 1919 par le fervent théoricien de ce style, Kasimir Edschmid, dans son ouvrage « L'expressionnisme dans la littérature et la poésie moderne ». On y décèle, plus tangible que partout ailleurs, la clef de voûte de la conception expressionniste.
L'expressionnisme, déclare Edschmid, réagit contre le «dépècement atomique» de l'impressionnisme qui reflète les chatoyantes équivoques de la nature, sa diversité inquiétante, ses nuances éphémères ; il lutte en même temps contre la décalcomanie bourgeoise du naturalisme et contre le but mesquin que poursuit celui-ci de photographier la nature ou la vie quotidienne. Le monde est là, il serait absurde de le reproduire tel que, purement et simplement.
L'expressionniste ne voit plus, il a des « visions ». Selon Edschmid, « la chaîne des faits : usines, maisons, maladies, prostituées, cris, faim », n'existe pas ; seule existe la vision intérieure qu'ils provoquent. Les faits et objets ne sont rien en eux-mêmes : il faut approfondir leur essence, discerner ce qu'il y a au-delà de leur forme accidentelle. C'est la main de l'artiste qui « à travers eux s'empare de ce qui est derrière eux » et permettra la connaissance de leur forme véritable, libérée de l`étouffante contrainte d'une «fausse réalité››. L'artiste expressionniste, non pas réceptif, mais véritablement créateur, cherche, au lieu d'un effet momentané, la signification éternelle des faits et des objets.
La vie humaine, proclame Edschmid, dépassant l'individu, participe à la vie de l'univers, notre cœur bat du même rythme que le monde, il est lié à tout événement : le cosmos est notre poumon ! L'homme a cessé d'être un individu lié à un devoir, à une morale, à une famille, à une société ; la vie de l'expressionniste échappe à toute logique mesquine et au ressort des causalités. Délivré de tout remords bourgeois, n'admettant que le prodigieux baromètre de sa sensibilité, il s'abandonne à ses impulsions. L'image du monde se reflète en lui dans sa pureté primitive, la réalité est créée par nous, l'image du monde n'existe qu'en nous.
Voilà bien des contrastes et des contradictions. D'une part l'expressionnisme représente un subjectivisme poussé à l'extrême ; et d'autre part, cette affirmation d'un moi totalitaire et absolu, forgeant le monde, voisine avec un dogme qui comporte l'abstraction complète de l'individu. La nature n'est pas seule à être mise à l'index dans ce grand imbroglio : la psychologie, cette servante complaisante du naturalisme, est également condamnée. Que périssent avec elle les lois et conceptions d'une société conformiste et les tragédies que provoquent les piètres ambitions sociales !
L'intellect prime. Edschmid proclame la dictature de l`esprit, lequel à mission de façonner la matière ; il exalte l'attitude de la volonté constructive, une révision totale de l'ensemble du comportement de l'homme. Quand on feuillette la littérature expressionniste allemande, on retrouve toujours le même vocabulaire stéréotypé : ce sont des mots et phrases tels que « tension intérieure », « force d'expansion », « immense accumulation de concentration créatrice » ou « jeu métaphysique des intensités et des énergies » ; on y trouve également, montées en épingle, des expressions comme « dynamisme », « densité » et surtout ce mot « Ballung » notion quasi intraduisible que l'on pourrait rendre par « cristallisation intensive de la forme ».
Il convient encore de dire un mot au sujet de « l'abstraction » si fréquemment évoquée par les théoriciens de l'expressionnisme. Dans sa thèse de doctorat Abstraktion und Einfühlung, Wilhelm Worringer, anticipe bien des préceptes de l'expressionnisme, ce qui prouve à quel point ces axiomes esthétiques sont proches de la «Weltanschauung» allemande (Conception du monde).
L'abstraction, déclare Worringer, naît de la grande inquiétude qu'éprouve l'homme terrorisé par les phénomènes qu'il constate autour de lui et dont il est incapable de déchiffrer les rapports, les mystérieux contrepoints. Cette angoisse primordiale de l'homme en face d`un espace illimité suscite en lui le désir d'arracher les objets du monde extérieur à leur contexte naturel, ou mieux encore de délivrer l'objet de ses liens avec d'autres objets, bref de le rendre «absolu».
Il faut, exige encore Edsclimid, que tout demeure à l'état d'esquisse et vibre de tension immanente, que soient sauvegardées une effervescence et une excitation perpétuelles. Ce paroxysme que les Allemands prennent pour du dynamisme se retrouve dans tous les drames de cette époque que l'on a appelée plus tard la « O Mensch Periode », c'est-à-dire «l'époque ô Homme››. A propos du MENDIANT de Reinhard Sorge, pièce écrite en 1912 et prototype du genre, un critique fait une remarque qui est valable pour toutes les œuvres de ce temps : le monde est devenu si «perméable» qu'à tout moment semblent jaillir à la fois l'esprit, la vision et les fantômes ; sans cesse, des faits extérieurs s'y muent en éléments intérieurs et des incidents psychiques sont extériorisés. N'est-ce pas précisément cette atmosphère que nous retrouvons dans les films classiques du cinéma allemand ?
Le titre complet du film de Mumau est NOSFERATU, UNE SYMPHONIE DE L'HORREUR. Et en effet, revoyant ce film aujourd'hui l'on ne peut manquer d'être atteint par ce que Bela Balazs a appelé «les courants d'air glaciaux de l'au-delà››.
Chez Friedrich Wilhelm Murnau le plus grand metteur en scène qu'aient eu les Allemands, la vision cinématographique n'est jamais le résultat du seul effort de stylisation décorative. Il a crée les images les plus bouleversantes, les plus saisissantes de l'écran allemand.
Murnau a eu une formation d'historien de l'art ; tandis que Lang, reprenant parfois des tableaux célèbres, tente de les reproduire fidèlement, Murnau n'en garde que le souvenir, et, par une élaboration intérieure transforme les images en visions personnelles. Si dans son FAUST il montre en raccourci un pestiféré gisant, c'est le reflet transposé du Christ de Mantegna. Et si Gretchen, accroupie dans la neige parmi les ruines d'une chaumière, la tête enveloppée dans son manteau, tient son enfant dans les bras, ce n'est que la vague réminiscence d'une madone flamande.
Cherchant à se fuir, à sortir de soi, Murnau ne s'est pas exprimé avec cette continuité dans la conception artistique qui facilite tellement l'analyse du style de Lang par exemple. Mais tous ses films portent l`empreinte de sa douloureuse complexité intime, de cette lutte qui se livrait en lui contre un monde auquel il demeurait désespérément étranger.
Contrairement à la plupart des films allemands de cette époque, les paysages, les vues de la petite ville ou du château de NOSFERATU ont été tournés en plein air. Car ce n'est pas seulement parce que les frontières leur étaient fermées ou à cause de la haine qu'ils inspiraient à leurs voisins ou parce qu'ils manquaient de devises que les metteurs en scène allemands, tels Lang ou Lubitsch, faisaient construire, pour tourner en studio ou à la rigueur à quelques mètres de là sur un terrain vague, de vastes forêts et des villes entières. Ils auraient trouvé sans peine des villes gothiques sur les côtes de la Mer Baltique ou des villes baroques dans l'Allemagne du sud ; mais les préceptes expressionnistes les détournaient du réel.
Cependant Murnau, tournant NOSFERATU avec un minimum de moyens, savait, lui, discerner dans la nature la possibilité de belles images : il filme la forme fragile d'un nuage blanc flottant sur les dunes où le vent de la Baltique joue avec les rares brins d'herbe, et fixe le filigrane tracé par des branchages sur un ciel printanier envahi de crépuscule. Il nous rend perceptible la fraîcheur d'une prairie où des chevaux galopent avec la légèreté merveilleuse de bêtes délivrées du harnais.
La nature participe au drame : par un montage sensible, l'élan des vagues laisse prévoir l'approche du vampire, l'imminence du destin qui va frapper la ville. Sur tous ces paysages, sombres collines, forêts épaisses, cieux aux nuages déchiquetés qui annoncent la tempête, plane, comme l'indique Balazs, la grande ombre du surnaturel.
Dans un film de Murnau tout plan a sa fonction précise et est entièrement conçu en vue de sa participation à l'action. Si nous n'apercevons qu'un instant le détail en gros plan de voiles gonflées, ce plan est aussi nécessaire à l'action qu'une précédente image : la vue en plongée de flots rapides emportant le radeau chargé de son lugubre fardeau. La grisaille des collines arides autour du château du Vampire rappelle par sa sobriété extrême et quasi-documentaire certains passages des films de Dovjenko.
L'architecture de NOSFERATU, typiquement nordique – façades de briques aux pignons tronqués – s'adapte parfaitement à une action insolite. Murnau n'a pas à fausser, par des éclairages contrastants, la physionomie de la petite ville de la Baltique ; point n'est besoin d'accroître le mystère de ses ruelles et de ses places par un clair-obscur artificiel. La caméra de Fritz Arno Wagner sous la direction de Murnau se charge à elle seule d'évoquer le bizarre par l'emploi d'angles imprévus qui donnent au château du vampire un aspect sinistre quand, dans la cours, Nosferatu prépare un étrange départ. Quoi de plus expressif aussi qu'une longue rue étroite, serrée entre ses façades de briques figées dans une atroce monotonie, vue en plongée d'une fenêtre dont la barre traverse l'image ?
Sur le pavé grossier des croques-morts en haut de forme et redingote étriquée, s'avancent lentement, noirs et rigides, portant par couple le mince cercueil d'un pestiféré. Jamais plus un expressionnisme aussi parfait ne sera atteint, et sa stylisation a été obtenue sans le secours du moindre artifice. Murnau reprendra ce thème dans FAUST, mais ici le pittoresque des hommes en cagoule supprime presque entièrement la plastique pure et dépouillée du fantastique lugubre de sa première composition.
Murnau crée l'atmosphère d'épouvante par les mouvements des acteurs vers la caméra : la forme hideuse du vampire avance, avec une lenteur exaspérante, de la profondeur extrême d'un plan vers un autre où il devient soudain gigantesque. Murnau a saisi toute la puissance visuelle qui émane du montage, et il dirige avec une virtuosité véritablement géniale cette gamme de plans, dosant l'avance du vampire en montrant pendant quelques secondes l'effet que sa vue produit sur le jeune homme terrifié. Au lieu de nous présenter graduellement tout le trajet il rompt l'approche par une porte fermée brusquement afin d"ar1'êter la terrible apparition ; et la vue de cette porte derrière laquelle nous savons que le péril nous guette nous tient en haleine.
Dans NOSFERATU, cauchemar vivant, les mouvements saccadés du carrosse ensorcelé qui emporte le jeune voyageur au pays des fantômes ou ceux des cercueils entassés avec une rapidité atroce ont été rendu par le procédé du « tour de manivelle ». Les spectres des arbres blancs et dénudés se dressant sur un fond noir comme des carcasses de bêtes antédiluviennes, pendant le trajet précipité vers le château du monstre sont rendus par l'insert de quelques mètres de négatif du film.
Mieux que tant de fanatiques de l'expressionnisme, Murnau utilise la hantise des objets animés : dans la cale hantée, le hamac vide du marin mort continue à se balancer doucement; par un souci extrême de dépouillement Murnau n'indique que le va-et-vient du reflet lumineux de la vacillation soutenue et monotone d'une lampe suspendue dans la cabine déserte du voilier où tous les matelots ont été frappés par la mort.
Extrait : L'écran démoniaque de Lette H. EISNER (Ed. RAMSAY POCHE CINEMA).
Des innombrables versions de DRACULA, le personnage le plus récurrent de toute l'histoire du cinéma, NOSFERATU de Mumau, réalisé en 1922, est de loin le plus exceptionnel. Film symbole de l'expressionnisme allemand, il est un des quatre ou cinq grands chefs-d'œuvre du cinéma mondial. Outre son côté prémonitoire - cette histoire de comte Dracula arrivant par bateau en Allemagne, dans un cercueil avec des rats porteurs de peste n'est-elle pas annonciatrice de Hitler installant dix ans plus tard le nazisme en Allemagne ? -, sa beauté plastique reste exceptionnelle, sans qu'elle ait nécessité une débauche d'argent et d'effets spéciaux. Le récit, en effet, a été tourné en décors naturels et c'est la lenteur des gestes et des mouvements de lumière qui rendent l'atmosphère d'épouvante si éprouvante. Et il est impossible au spectateur d'oublier Nosferatu, personnage à tout jamais entré dans l'imaginaire de notre XXème siècle, avec sa silhouette décharnée, moulée dans une redingote noire, le crâne chauve, les oreilles pointues et les doigts crochus.
F.M. FIGAROSCOPE Semaine du 14 au 20 FEVRIER 1996
C'est un chef d'œuvre de l'expressionnisme et du fantastique ; le premier vrai film d'horreur du cinéma muet. Loin de l'esthétique de l'époque (décors peints, perspectives brisées, lignes obliques), Murnau tourne en extérieurs. Certaines scènes – Nosferatu émergeant de son cercueil – sont devenues des classiques. Mais c'est d'un hamac vide qui se balance, du vacillement d'une lampe que naît l'angoisse.
Xavier Lacavalerie (TELERAMA Hors-Série, Le guide du cinéma chez Soi - Edition 2002)
Pour cette adaptation à peine déguisée du roman de Bram Stoker, DRACULA, FW Murnau décide de tourner l'action en décors naturels. « Sur le plan technique, l'atmosphère d'épouvante est rendue – de très originale façon – par la lenteur des gestes de l'éclairage changeant des objets » Jean Mitry). Murnau utilise avec une perfection rarement égalée le style expressionniste pour ce film considéré comme l'un des plus beaux du cinéma muet allemand. Certaines séquences sont inoubliables : Hutler s'engageant dans la forêt au moment où « passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre », Nosferatu portant un long cercueil sur ses épaules, le navire infesté de rats entrants dans le port de Brême. Le succès de ce film, qui enchanta les surréalistes, fut immense dans le monde entier et personne n'oubliera désormais la célèbre et sinistre silhouette de Nosferatu, véritable squelette à la démarche saccadée, moulé dans une redingote noire, le crâne chauve, les oreilles pointues et les mains aux doigts crochus.
Michel Azzopardi (LE GUIDE DES FILMS– Jean Tulard – Ed. Robert Laffont 1997)
NOSFERATU est l'un des cinq ou six films essentiels de l'histoire du cinéma, et sans doute le film muet capital. Tant que le cinéma existera et qu'on projettera des films, il est vraisemblable qu'on rêvera sur NOSFERATU, qu'on l'admirera, qu'on l'étudiera, qu'on l'interprétera. Aimé par tous les publics, aussi bien populaire qu'intellectuel (En France, les surréalistes proclamèrent leur admiration pour le film et cela, vu leur sens inouï de la publicité, le servit beaucoup), NOSFERATU est à l'origine d'un courant fondamental du cinéma, celui de la morbidité, qui engendrera une longue série de chefs-d'œuvre, où l'on peut faire rentrer certaines grandes adaptations hollywoodiennes d'œuvres littéraires fantastiques, les films de Val Lewton – Tourneur – Robsob, les films d'Edgar Ulmer, assistant et disciple de Murnau, certains films noirs, etc.
Film aux multiples aspects, NOSFERATU est avant tout un poème métaphysique dans lequel les forces de la mort ont vocation – une vocation inexorable – d'attirer à elles, d'aspirer, d'absorber les forces de vie, sans qu'intervienne dans la description de cette lutte aucun manichéisme moralisant.
L'intrigue de NOSFERATU baigne dans une variété saisissante d'extérieurs réels qui en accroît la portée et le romantisme magique. Ces extérieurs sont souvent filmés avec une utilisation extraordinaire de la profondeur de champ. Ensuite, Murnau se livre ici totalement à son goût de la polyphonie et du contrepoint, tant sur le plan dramatique que cosmique. Tout au long du récit, le film abonde en métaphores, en digressions mettant en cause les différents règnes : végatal, animal, humain et pourrait-on dire, sur-humain. Cette présence de la Nature et cette polyphonie témoignent, dès NOSFERATU, d'une conception du cinéma comme art total qui ne cessera de progresser et de s'amplifier à travers toute l'œuvre de Murnau.
Jacques Lourcelles DICTIONNAIRE DU CINEMA (Ed. Robert Laffont – 1992)
Les acteurs
Max Schreck Nosferatu
Gustav von Wangenheim Thomas Hutter
Greta Schroeder Ellen
Alexander Granach Knock
George H. Schnell Harding
Ruth Landshoff Annie
John Gottowt Pr Bulwer
Max Nemetz Le capitaine
Wolfgang Heinz Son second
Guido Herzfeld L’aubergiste
Production Prana-Film Berlin
Réalisation Friedrich Wilhelm Murnau
Scénario Henrik Galeen
Photographie Fritz Arno Wagner
Décors & costumes Albin Grau
Musique Galeshka Moravioff
Distribution FILMS SANS FRONTIERES