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Zanzibar est sans doute le meilleur exemple du choc des civilisations : d’un côté, l’immense continent africain, conçu comme une inépuisable réserve de « bois d’ébène », et de l’autre, des aventuriers arabes, à la fois guerriers et commerçants, qui fuient la pauvreté de leur désert pour faire fortune au loin. Dès le 10ème siècle, des comptoirs s’établissent en Afrique de l’Est, sorte de terminus de pistes par lesquelles arrivent des convois d’esclaves, d’ivoire et de poudre d’or. Ces comptoirs vont devenir le creuset d’une civilisation originale, la culture swahilie, et donner naissance à une société métisse qui connaîtra, au cours des siècles, des épisodes prestigieux.
Zanzibar, cet empire virtuel qui ne possède que des pistes marchandes mais pas de véritable territoire au sens propre, cristallise la relation qu’a eue l’élite arabe avec le monde occidental. D’abord sous influence perse, puis portugaise aux 16ème et 17ème siècles, Zanzibar passe à partir de 1698 sous le contrôle du sultanat d’Oman qui en fait sa capitale. Grâce à sa situation privilégiée au croisement des routes commerciales reliant Afrique, Moyen-Orient et Asie, Zanzibar devient la pierre angulaire de tous les trafics qui sillonnent l’Océan Indien, dont le plus lucratif demeure le tristement célèbre commerce de « bois d’ébène », l’esclavage. Mais l’Empire britannique, qui doit assurer les routes de son empire colonial jusqu’à l’Inde, s’attache à en conquérir les points stratégiques dont Zanzibar fait bien sûr partie. L’île devient donc protectorat anglais en 1890 pour laisser finalement place à un Sultanat indépendant en 1963. Mais ce dernier sera balayé l’année suivante par une révolution marxiste qui voit les descendants d’esclaves se révolter contre leurs anciens maîtres. Sentiment d’humiliation pour cette élite omanaise qui a brusquement tout perdu, comme si tout son empire n’était en fait qu’une illusion : celle du Royaume perdu des Arabes.
Zanzibar, cette île minuscule à l’histoire tellement riche et à la beauté naturelle éblouissante, est un résumé de l’histoire du colonialisme, de ses jeux cruels, dont les échos, aujourd’hui, nous permettent de mieux comprendre le monde où nous vivons. |