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Tokyo Decadence est la récit de sa dérive dans une capitale japonaise secrète, violente et folle, où la volonté de puissance et d'enrichissement – menacée par l'ombre du krach – n'est tempérée que par une recherche éperdue du plaisir. Dans cette société décadente où tout est rapport de force, Ai semble nous dire, à l'instar du Marquis de Sade, que "tout, dans la vie, est affaire de délicatesse".
Qu'on n'oublie pas, cependant, que la prostitution, dans l'Empire du Soleil Levant, n'a jamais été marquée du sceau de l'infamie. Est-il utile de rappeler que la littérature japonaise a été créée par une femme (Murasaki Shikibu, avec le célèbre Genji monogatari), qu'elle est associée dès son origine aux femmes galantes et aux courtisanes qui, au Japon et en Chine, étaient souvent musiciennes, poétesses ou philosophes.
Si Murakami ne cherche jamais à masquer sa fascination pour l'Occident, il le fait, comme son héroïne, sans aucune servilité, mais plutôt avec cet abandon délicat qui infuse son personnage central. Comme Ai, le film joue sans cesse sur la limite entre trivialité, déchéance et pureté. L'initiation à laquelle cette fille perdue doit se soumettre est, par définition, cruelle, mais pas davantage que la série d'humiliations qu'implique la société féodale et capitaliste qui, dans Tokyo Decadence, semble promise à l'apocalypse. Héroïne perdue dans une ville en perdition, Ai est la figure énigmatique et moderne d'une contradiction brûlante, celle d'une innocence qui fluctue entre morbidesse et morbidité. |