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La sortie d’O Cangaceiro en 1953 constitua un événement à plus d’un titre : non seulement il demeure dans son pays d’origine l’un des plus gros succès de tous les temps, mais sa reconnaissance critique au Festival de Cannes, où il reçut plusieurs prix, lui permit de bénéficier d’une sortie mondiale qui en fit le premier film brésilien à devenir un hit au box-office international. Quant à Mulher Rendeira, la chanson-thème du film, ce fut instantanément un tube planétaire longtemps considéré comme l’hymne officieux du Brésil.
Ce succès doit tout à Lima Barreto, le scénariste-réalisateur, qui mit à profit son expérience dans le documentaire – l’un deux fut primé à Venise en 1951 – pour créer une œuvre totalement brésilienne, tant de cœur que d’esprit. Pour Barreto, tout devait respirer le Brésil dans O Cangaceiro, aussi bien le titre, l’histoire, les extérieurs, les personnages et leur personnalité que la photographie, la musique et le montage. Et même si l’influence du western hollywoodien ou de l’épopée mexicaine s’y fait sentir, son film reste en effet incontestablement brésilien dans l’âme, jetant la lumière sur une des régions les plus pauvres du pays et ses problèmes sociaux récurrents, ainsi que sur une composante essentielle du folklore national, les Cangaceiros.
Ces bandits, qui sévissaient dans le Nord-est du Brésil depuis la fin du 19ème siècle, constituaient des bandes armées extrêmement bien organisées qui défièrent le gouvernement pendant des décennies avant d’être écrasées par l’armée au cours des années 30. Symbole de liberté et de rébellion, le Cangaceiro deviendra au cours des années 60, dans les oeuvres du mouvement contestataire Cinema Novo (la Nouvelle Vague brésilienne), une métaphore politique et révolutionnaire dont la meilleure représentation se retrouve dans les films de Glauber Rocha Le dieu noir et le diable blond et Antonio das mortes. |