KIM KI-DUK
Kim Ki-Duk est l’un des réalisateurs les plus créatifs et les plus productifs du nouveau cinéma sud-coréen. Radical, esthétique, perturbant, son cinéma, riche en métaphores, tourne autour des thèmes de la solitude, de la schizophrénie et des désirs inassouvis.
«Un jour, j’ai fait un rêve.
J’étais si fatigué que je dormais dans ma voiture et mon ami conduisait, quand nous avons eu un accident. Etrangement, en me réveillant, je ne pus m’empêcher de penser que c’était moi qui avais causé l’accident.
Je n’étais encore qu’à moitié éveillé quand j’ai commencé à écrire une histoire. Cet état de demi-sommeil pouvait être un rêve ou un cauchemar. Lorsque nous avançons dans la vie, nous rencontrons des gens que nous sommes voués à rencontrer, et il n’y aucun moyen d’éviter que les chemins se croisent. D’abord, nous nous réjouissons avec une exaltation vertigineuse, mais peu à peu, ceci se meut en haine, et nous aimons avec une intention meurtrière. Etre amoureux peut signifier être heureux, cela signifie aussi haïr et souffrir.
Quand nous nous trouvons dans un état tel que nous voulons tuer la personne que nous avons aimée, nous rêvons d’un autre monde. Finalement, deux individus ne font plus qu’un au fur et à mesure qu’ils se maltraitent, mutuellement, et que chacun devient l’objet de la maltraitance. De la même façon que le noir et le blanc qui se dévisagent sans autre choix.»
Kim Ki-Duk, Printemps 2008
BIOGRAPHIE
Kim Ki-Duk est né en 1960 à Bonghwa, un village de montagne dans la province de Kyungsang en Corée du Sud, qu’il quittera à neuf ans pour s’installer avec sa famille dans la banlieue de Séoul. Son frère aîné renvoyé de l’école, son père l’oblige à arrêter sa scolarité pour l’inscrire dans un collège agricole. A seize ans, il travaille alors dans différentes usines, puis s’engage six ans plus tard dans la marine pour effectuer son service militaire. A vingt-huit ans, libéré de ses obligations militaires et ne sachant que faire, il se retrouve à vivre – en contrepartie de bénévolat – dans une église accueillant des mal-voyants. Il pense devenir prêtre, puis finalement se consacre à la peinture.
En 1990, réunissant toutes ses économies, il quitte la Corée pour voyager à travers l’Europe (de la Finlande à la Grèce en passant par l’Allemagne). En 1992, après avoir séjourné à Paris, il s’installe dans un village près de Montpellier au sud de la France. Il vend quelques-unes de ses peintures pour survivre et découvre le cinéma.
De retour en Corée trois ans plus tard, il suit des cours de scénario, écrit son premier scénario et remporte de nombreux prix dont celui du Meilleur Scénariste de Corée avec Painter and Prisonnier, puis gagne un autre prix à la Korean Motion Picture Association grâce à son second scénario, Illegal Crossing. L’année suivante, en 1996, Kim Ki-Duk a enfin l’occasion d’écrire et de réaliser son premier film. Il débute ainsi au cinéma, sans aucune expérience, avec Crocodile, en mettant en scène son nouveau scénario. Par la suite, il signera tous les scénarios de ses films.
Mais c’est en 2000 que Kim Ki-Duk s’est véritablement fait remarquer avec la présentation de L’Île au Festival de Venise. Avec ce film à la fois brutal et fascinant, Kim Ki-Duk a défrayé la chronique. Ses nouveaux films ont été vus avec un intérêt considérable dans les festivals les plus importants d’Europe, et le succès de Printemps, Eté, Automne, Hiver… et Printemps en 2003 a démontré que sa vision est celle d’un artiste qui associe la poésie au monde de la méditation orientale, et que le recours à la violence n’a pas lieu dans le seul but de soulever des controverses. Son acclamation internationale a pris une ampleur décisive quand il a reçu l’Ours d’Argent du Meilleur Réalisateur au Festival de Berlin pour « La Samaritaine », et le Lion d’Argent du Meilleur Réalisateur au Festival du Film de Venise pour « Locataires ».
« La filmographie de Kim Ki-Duk semble plus apaisée avec « Printemps, Eté, Automne, Hiver… et Printemps », où on trouve de légers signes de réconciliation et de transcendance. La vie, comme la nature, évolue de façon cyclique et les liens qui nous séparent des autres, l’intérieur et l’extérieur, le passé et le futur, s’atténuent avec le mouvement de l’univers. Alors que dans ses premiers films, Kim Ki-Duk adopte l’attitude d’un expérimentateur qui s’efforce de choquer le public en lui montrant un monde violent, il semble, dans ses dernières œuvres, avoir trouvé un moyen d’échapper à ce monde brutal. L’héroïne, apparue comme un ange venu dans ce monde, dans la dernière scène de « Locataires », semblait annoncer la transformation de Kim Ki-Duk. « Locataires », « Time », « Souffle » et « Dream » dessinent une transition progressive vers un rêve plus mystérieux. Les films de Kim Ki-Duk dépeignent un monde vaste, hors-norme, ou l’imagination ne rencontre pas de limites. Il répète souvent que ses films forment « un monde de concepts, pas d’abstraction ». Il semblerait que cette affirmation se vérifie toujours.
Dans son dernier film, Kim Ki-Duk crée un monde de paradoxes qui se rit des liens séparant le normal de l’anormal, le jour de la nuit, ce monde du monde d’en-dessous, ainsi qu’il le dit dans le film, « le noir et le blanc sont les mêmes. » Dans un monde où tout est d’une simplicité inimaginable, Kim Ki-Duk dessine les émotions physiques de l’homme et de la femme, et crée la fable de la transcendance mentale. Il décrit celle-ci comme une autre sorte de vie ; une sorte de vie dont nous n’avons jamais su qu’elle pouvait exister. Dans une situation où les rêves deviennent réalité et la réalité devient un rêve, l’esprit et le corps fusionnent et ne peuvent être différenciés. « Dream » entreprend d’embrasser tout ce qui franchit la ligne entre l’intérieur et l’extérieur ».
Par KIM Young-Jin, critique cinématographique
FILMOGRAPHIE
2008 DREAM
2007 SOUFFLE
2006 TIME
2005 L’ARC
2005 LOCATAIRES
2004 LA SAMARITAINE
2003 PRINTEMPS, ETE, AUTOMNE, HIVER… ET PRINTEMPS
2002 COASTGUARD
2001 BAD GUY
2001 ADRESSE INCONNUE
2000 REAL FICTION
2000 L’ÎLE
1998 THE BIRDCAGE INN
1996 WILD ANIMALS
1996 CROCODILE