LA NOUVELLE VAGUE DU CINEMA ROUMAIN

Les salles combles roumaines de la période communiste ne sont plus qu’un lointain souvenir. Il faut dire qu’à cette époque de dictature surréaliste de Ceausescu, le cinéma était l’un des seuls divertissements offerts à la population, une distraction qui restait néanmoins très contrôlée. Mais paradoxalement à ce phénomène de désertification, une nouvelle vague de cinéastes annonce le retour d’une période faste pour le cinéma roumain sur la scène internationale après de longues années de dictature…

Un cinéma à l’époque trop souvent étouffé dans l’œuf, si l’on s’en réfère au traitement réservé en 1968 à « La Reconstitution » de Lucian Pintilie, œuvre dissidente de la période totalitaire. Le réalisateur y présente deux jeunes gens « invités » par les autorités à reconstituer une banale bagarre à des fins de propagande communiste. Le film fait un énorme scandale et est interdit de vision pendant presque vingt ans, pendant que Pintilie continuera sa carrière exilé à l’étranger. Plus de trente ans après, une jeune génération reconnait sa dette envers Pintilie en affirmant sa foi en des messages textuels et visuels proches de l’ironie et de l’absurde, fort représentatifs de l’esprit roumain, mobilisant ainsi l’intérêt d’une audience internationale. Depuis 2001 naissent ainsi des œuvres engagées de qualité accédant à une reconnaissance à la fois critique et publique : Cristi Puiu remporte le prix « un certain regard » à Cannes 2005 pour LA MORT DE DANTE LAZARESCU, qui constitue une radiographie au vitriol du système de santé roumain. Corneliu Porumboiu reçoit la Caméra d’or en 2006 à Cannes avec 12H08 A L’EST DE BUCAREST, en remettant en question la révolution de 1989 qui fait tomber la dictature. Enfin en 2007, 4 MOIS, 3 SEMAINES, 2 JOURS de Cristian Mungiu, qui aborde le sujet de l’avortement pendant la période communiste, est récompensé par la première Palme d’Or roumaine lors du 60e Festival de Cannes.

Nous assistons ainsi à l’émergence d’un nouveau cinéma qui interroge les mutations de la société roumaine et se retrouve donc en phase avec la mentalité du pays : un mélange de défaitisme et ne farniente doublé d’un humour décapant, mettant en scène une société post-totalitaire inévitablement attirée par le mirage de l’occident. Un nouveau regard qui est susceptible de conquérir le public européen : minimalisme et emploi original de la caméra, refus de l’ellipse et de toute forme de partition musicale pré-écrite, jeu d’acteur hyperréaliste, des caractéristiques bien présentes dans le jeune cinéma scandinave ou encore allemand.

Mais malgré tout le cinéma roumain se développe en marge des circuits officiels, la plus grande partie des subventions nationales allant aux anciens réalisateurs qui faisaient la loi au temps du régime communiste ; malgré les protestations, personne ne réagit et on dépense l’argent du contribuable pour financer des films qui n’ont aucun intérêt dans l’Europe que la Roumanie a intégrée. Le plus souvent financés par des coproductions européennes, les cinéastes se mettent alors à fuir les grands studios nationaux pour enfin redécouvrir l’authenticité de la rue, du comportement et surtout de la vie réelle qui avait été paralysée, tuée par le formalisme des anciens films de propagande.

Le succès de cette nouvelle vague dans les festivals et à l’étranger est donc plus international que roumain, mais ces jeunes réalisateurs en plein lancée nous promettent encore de belles surprises. Et outre la mise en scène et la stylisation, ils partagent surtout une expérience commune qui les animera encore longtemps : celle de la fin de la dictature….


 
Films sans Frontières©